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Le Grand Lycée, de père en fille

La première chose qui frappe lorsque l’on s’attable face à Fadi Nassif, avocat, et sa fille cadette, Clara, qui vient d’intégrer l’École supérieure d’ingénieurs de Beyrouth, ce sont leurs regards enthousiastes et larges sourires à la simple énonciation du cigle « GLFL ». Une joie qui traduit leur fort attachement à l’établissement dans lequel père et fille ont, tous deux, fait leurs scolarités. Pour Fadi, de la promo 1987, cela remonte à une trentaine d’années ; pour Clara, première de sa promotion avec 19,84 au baccalauréat obtenu en juin dernier, c’était encore hier. Retour sur leurs parcours au GLFL, à des époques différentes mais avec des principes intemporels.

 

Nassif, pour quelles raisons vos parents vous ont-ils inscrit au lycée dans les années 70 ?

Fadi Nassif : Nous habitions Beyrouth et mon père voulait absolument que mon frère ainé et moi intégrions un établissement francophone et maîtrisions les trois langues, française, arabe et anglaise. De plus, il y avait passé une année au cours de sa scolarité et en gardait un bon souvenir.

Vingt ans plus tard, vous avez ensuite tenu à y inscrire vos enfants…

Fadi Nassif : Quand nous avons décidé de nous marier, ma femme et moi, la décision était prise! Avant même qu’ils ne viennent  au monde, il était décidé que les enfants seraient au Grand Lycée. Je voulais une intégration dans le réseau Mlf car dans les années 90, la fin de la guerre était proche et nous voulions pouvoir partir et leur permettre de facilement continuer leur scolarité ailleurs. De plus, l’acquisition du français, de l’arabe et de l’anglais comptait aussi pour moi. Les établissements qui avaient la réputation d’être assez strictes et de donner une lourde charge de travail n’ont jamais été dans ma ligne de mire. J’ai eu la chance, comme mon frère, d’être un très bon élément donc je n’ai jamais eu besoin de trop travailler. Quand je voyais mes cousins et leurs parents se plaindre de la charge de travail pour obtenir les mêmes résultats, cela ne donnait pas envie. J’aimais aussi cette idée que mes enfants puissent s’épanouir et s’émanciper. Pour ma part, j’avais eu des relations très cordiales avec les professeurs et la direction, voire amicales par la suite avec certains enseignants. Je ne me voyais pas mettre mes enfants dans un établissement où, pour parler au directeur, ils devraient raccourcir le cou, avoir la tête entre les épaules.

Comment s’y est déroulée votre scolarité dans les années 80 ?

Fadi Nassif : Le lycée était moins grand et nous étions en temps de guerre. L’emplacement, sur la ligne de démarcation en faisait un lieu parfois en danger. J’ai souvenir que nous avions dû descendre, un jour, trois fois dans la cour parce qu’il y avait des bombardements dans les alentours. En Troisième, nous avons dû déménager à Fanar quelques mois et venions en cours un jour sur deux. Puis, durant le dernier trimestre de mon année de Seconde, nous avons déménagé à La Cité à côté du stade Fouad Chehab à Jounieh, quelle joie! Pendant les recréation nous allions nous promener dans les souks de Jounieh, étions tous dans les chalets, rentrions en auto-stop…

Quels souvenirs en gardez-vous ?

Fadi Nassif : Certains élèves de l’époque sont toujours des amis et chaque professeur m’a marqué à sa façon. Je me souviens encore de tous, madame Kadara au petit jardin, madame Léa en 12e, madame Leroux en 10e! (Rires). Nous, élèves, avions une bonne relation avec les professeurs, faite de respect mutuelle et de bienveillance. Ils nous semblaient accessibles, nous étions à l’aise en nous exprimant en classe ou en nous adressant à eux.

Clara Nassif : En effet, ce que je retiens, c’est essentiellement l’aisance que nous avons pu développer à l’oral en pouvant parler assez librement aux professeurs, sans avoir peur de poser des questions et d’être moqués par d’autres élèves. Nous pouvions nous parler, entre élèves, élève à professeur ou élève à membre de la direction d’égal en égal, avec évidemment le respect relatif à la fonction. Tous mes professeurs m’ont marquée d’une façon ou d’une autre et m’ont fait aimer toutes les matières. Lorsque j’ai obtenu mon baccalauréat et que j’ai été major de promotion, deux professeures sont venues à la maison pour me féliciter, Hiba Nahas et Amal Zoghbi.

Nassif, des choses ont-elles changé depuis votre époque ?

Fadi Nassif : De mon temps, nous n’avions pas d’accompagnement personnalisé pour les enfants avec des difficultés ou des problèmes d’apprentissage, ou alors nous ne le savions pas. Le GLFL participe à la formation et l’intégration de ces élèves, chose que je trouve remarquable. Cette année, 17 personnes ont eu un aménagement au bac et je trouve leur réussite plus importante que celle des 58 mentions «très bien». Pour le reste, les locaux sont mieux aménagés notamment les classes et cours maternelles qui sont très belles.

 

En quoi le GLFL a favorisé votre réussite ?

Clara Nassif : Les connaissances sont les mêmes enseignées partout. Ce qui est beau au lycée, c’est l’ambiance qu’il y avait malgré la pression du travail. On m’a appris à devenir autonome, à gérer mon temps, organiser mon travail et mes révisions… Cela m’a permis de savoir où j’en étais par rapport à mes connaissances, c’est ce qui m’a permis d’assurer ma réussite au bac à court terme et à l’université ensuite. Mme. Sandra Pardo, proviseure adjointe au Lycée, m’a permis de rencontrer des Anciens du GLFL qui sont allés à Louis-le-Grand à Paris, où j’ai été acceptée, et sont ensuite entrés à l’École polytechnique. Elle s’est beaucoup impliquée et a consacré un temps pour m’aider à prendre ma décision qui a finalement été de rester au Liban.

Fadi Nassif : Moi, cela me gène quand quelqu’un parle en mal du lycée, quand on dit que les élèves sont insolents, laissés à eux-mêmes… Je ne peux pas accepter qu’on le critique. S’il y a un élève qui a eu un problème, cela ne veut pas dire que tout est mauvais! Personnellement, je n’ai jamais eu un seul problème, ni durant ma scolarité, ni durant celles de mes deux enfants, au GLFL.

 

Vous ne dites rien au sujet de la laïcité…

Fadi Nassif : La laïcité, nous n’en parlons pas parce que nous la considérons comme acquise. Pour nous, tout le monde est égal, c’est une évidence. C’est comme la liberté et la santé, on n’y pense que quand on les perd!

Clara Nassif : En dehors des murs du Grand Lycée, il nous arrive d’entendre des remarques qui nous rappellent que la laïcité n’est pas établie dans la société, qu’il n’y a pas de respect systématique de l’autre. Lorsqu’on a fait sa scolarité au GLFL, on est surpris, secoué quand on voit une forme de racisme et d’intolérance. À l’université et dans le milieu professionnel, je serai amenée à rencontrer d’autres personnes qui pensent et parlent différemment de moi, mais je suis habituée, et c’est certainement un atout.