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L’accompagnement des élèves à besoins particuliers

PAI/PPRE/PAP

Les écoles à pédagogie française dites « inclusives » ont mis en place des dispositifs qui permettent à tout enfant de pouvoir suivre sa scolarité en fonction de ses besoins. Au GLFL, des documents institutionnalisés permettent de faire les aménagements nécessaires à des élèves ayant un problème médical ou un trouble de l’apprentissage, afin de les accompagner sur un parcours de réussite.

Il n’est pas rare de trouver Cynthia (le prénom a été changé), une élève de l’école primaire, dans la cour, accompagnée de Joya, son auxiliaire de vie scolaire, pendant les heures de classes. Elle n’est pas là pour s’amuser pendant que ses camarades travaillent. Elle travaille, elle aussi, mais à sa façon. Et sa façon à elle, ce n’est pas de le faire assise sur une chaise pendant une heure et demie. Elle a beau essayer, elle n’y arrive pas toujours. Ce qui compte pour elle, ses parents, son enseignante, la direction de l’établissement, c’est qu’elle entre dans les apprentissages, bénéficie de la même instruction que les autres élèves ainsi que des mêmes chances de réussite. Alors certes, elle passe la majorité de son temps dans la classe, d’ailleurs elle adore ça, être avec ses camarades et ses maîtresses, mais parce que ses troubles d’apprentissage lui demandent beaucoup d’efforts, d’attention et l’obligent parfois à s’isoler, se dégourdir les jambes ou simplement fermer les yeux sous le soleil d’hiver afin de se remettre dans des conditions de travail, elle sait qu’elle a la possibilité, en toute sécurité et avec bienveillance, de vivre l’école à sa façon. Comme Cynthia, environ 120 élèves bénéficient, au Grand Lycée, d’un plan d’accompagnement.

Comment différencier simple retard et trouble plus profond ?

Il arrive que des parents inscrivent dès la maternelle un enfant à besoin éducatif particulier, qui est déjà suivi à l’extérieur ou qui a déjà fait l’objet d’un bilan orthophonique ou psychomoteur. Une équipe éducative se réunit alors avec la direction, les enseignantes, les parents et les spécialistes concernés afin d’adapter au mieux les apprentissages et accueillir l’enfant dans les meilleures conditions pour une intégration réussie. Dans le cadre quotidien de la classe, lorsqu’un enfant a des difficultés à rentrer dans les apprentissages, l’enseignante va différencier son travail en ciblant des objectifs plus spécifiques tenant compte du rythme et du profil d’apprentissage de l’élève. « Mais quand la différenciation et la remédiation ne permettent pas les progrès attendus, nous nous interrogeons et pouvons alors demander l’avis de spécialistes pour déterminer s’il s’agit d’un simple retard ou d’un trouble éventuel. Dès la maternelle, nous sommes très attentifs dans la prévention des difficultés scolaires, car au plus vite on met en place une aide, au mieux on a des résultats. », note Sandrine Lasserre, la directrice des cycles 1 et 2. En cas de doute, les enseignantes peuvent solliciter soit le psychologue scolaire, soit Madame Eliane Haddad, chargée du suivi des élèves dans les petites classes et qui a formation d’orthophoniste. Avec l’accord des familles, ils peuvent aller observer un enfant en classe et proposer aux enseignantes des recommandations, voire référer les parents pour un bilan si nécessaire.

Au collège, la plupart des signalements viennent des parents : « au début de l’année, nous rencontrons des parents qui nous sollicitent, qui nous disent ‘mon enfant a des difficultés’, affirme Cédric Toiron, proviseur adjoint collège. Nous leur demandons toujours d’étayer avec un rapport soit d’un médecin spécialiste pour un problème médical très ciblé, soit d’un orthophoniste dans le cadre d’un trouble de l’apprentissage ». Un professeur peut également alerter lorsqu’il remarque qu’un enfant a du mal à voir lorsqu’il est loin ou à aller au bout de son travail lors des examens. « Le dernier temps est le conseil de classe, un temps qui nous permet d’effectuer des bilans et où les professeurs croisent des informations qui nous amènent à proposer la mise en place d’un dispositif », ajoute-t-il. Une fois le rapport établi, une réunion est provoquée où l’élève, ses parents, son professeur principal, un membre de la direction et une personne du corps médical de l’établissement sont réunis pour remplir un plan d’accompagnement où figurent les dispositifs adaptés à ses besoins.

Au lycée, alors qu’on pourrait penser que ces élèves sont déjà accompagnés depuis plusieurs années, il peut y avoir de nouveaux plans mis en place car, « s’il y a des élèves pour lesquels les troubles de l’apprentissage vont être repérés assez rapidement, explique Sandra Pardo, proviseure adjointe lycée, d’autres arrivent à contourner leurs troubles durant plusieurs années. Et c’est parce qu’ils arrivent à un niveau supérieur de réflexion, d’analyse, de rédaction, que cela ressort ». Avec l’adolescence, certains troubles apparaissent, comme les troubles de l’anxiété, ou s’aggravent, comme ceux du déficit d’attention. « Un élève en dépression qui suit un traitement médical avec des effets secondaires, et pour qui la capacité d’attention est alternée, ne peut pas rester toute une journée ou bien est très fatigué », ajoute-t-elle. Or, « il est de notre devoir de trouver comment aménager les enseignements pour offrir des droits aux familles et assurer une continuité pédagogique pour les élèves, quelle que soit la difficulté rencontrée », affirme Cédric Toiron.

Quels aménagements possibles en classe ?

En fonction du problème médical ou du trouble de l’élève, l’établissement met en place des dispositifs basés sur un document institutionnel français qui peut suivre l’enfant durant toute sa scolarité. Un PAI, plan d’accompagnement individualisé, est une adaptation liée à chaque problème médical. En maternelle par exemple, « nous avons intégré un enfant de petite section en janvier parce que nous sentions qu’il n’était pas prêt en septembre, confie Sandrine Lasserre. Il a un retard au niveau psychomoteur, il se déplace difficilement et ne peut pas encore monter les escaliers. Il termine donc ses journées à 11h30 et l’intégration à temps complet se fera progressivement quand il sera prêt .» Cela peut aussi passer par l’utilisation de matériel adapté. Un élève qui a une blessure va continuer d’être accueilli dans l’établissement mais dans des conditions particulières : il va avoir accès au parking et aux ascenseurs. « Le fait de recenser tous les élèves qui ont des difficultés et de l’institutionnaliser nous permet aussi de pouvoir encadrer ces enfants avec un problème de mobilité si nous avons une évacuation », relève Cédric Toiron. De plus, un élève qui, lui, ne peut plus venir à l’école pour des raisons médicales, peut continuer de suivre ses cours à la maison ou même en étant hospitalisé : « nous avons acquis, il y a deux ans et demi, un robot ‘Beam’ pour pouvoir permettre à un enfant hospitalisé à Londres de continuer sa scolarité au GLFL, et il va continuer d’être utilisé au retour des vacances de février parce qu’une autre élève va se faire opérer du dos et être alitée six semaines ». L’enfant, de son lit d’hôpital peut ainsi diriger le robot qui est en classe pour voir le tableau, se déplacer et prendre la parole.

Dans le cadre du PPRE, programme personnalisé de réussite éducative, on peut proposer aux familles une adaptation ponctuelle des apprentissages, en général sur une période ou un trimestre. « Dans l’apprentissage de la lecture par exemple, pour un enfant qui a des difficultés à coder ou décoder les sons ou ne connaît pas encore toutes les lettres, nous allons différencier l’étude des phonèmes en ne travaillant avec lui que les sons simples, adapter les textes et simplifier les consignes. L’enfant pourra ainsi avancer à son rythme et éventuellement bénéficier d’une adaptation des évaluations ou du soutien dans le cadre d’ateliers en petits groupes pour renforcer les compétences en cours d’acquisition. »

Pour ce qui est du PAP, plan d’accompagnement personnalisé, il s’adresse aux enfants porteurs de troubles diagnostiqués des apprentissages ou du comportement.  L’établissement peut proposer des aménagements à des élèves qui ont des troubles du comportement comme un élève porteur du trouble déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH).  « Des aménagements simples peuvent aussi être mis en place dans la classe. Si la maîtresse remarque qu’il est très agité, l’élève peut utiliser une balle anti-stress, aller aux toilettes ou sortir une minute dans le couloir, explique Christine Vandromme, directrice du cycle 3 à l’école primaire. Le fait de le placer devant, lui permet de rester concentré quand, derrière, l’affichage sur les murs ainsi que tous les autres élèves sont des éléments perturbateurs ».

Une auxiliaire de vie scolaire (AVS), prise en charge par les familles, peut être présente pour accompagner l’enfant dans son travail et son rôle d’élève. « L’AVS est formée pour accompagner l’enfant, sans faire le travail à sa place, elle peut l’aider au niveau de la socialisation, de la sécurité, de l’organisation. Elle est là pour faciliter le quotidien de l’élève et lui garantir la meilleure scolarité possible. », note Sandrine Lasserre.

 Et lors des examens ?

Hormis quelques évaluations institutionnelles au primaire qui servent aussi d’évaluations diagnostiques, c’est-à-dire à situer les savoirs et savoir-faire maîtrisés par l’élève, les élèves ayant des PAI ou PAP peuvent bénéficier d’aménagements durant toute leur scolarité. Les professeurs prennent connaissance des mesures à prendre en classe grâce à sa fiche de suivi sur laquelle il peut être spécifié : répéter ou reformuler la consigne pour un trouble lié à la logique, donner un temps supplémentaire pour de la lenteur, permettre l’utilisation d’une calculatrice pour des problèmes de mémoire. « Pendant longtemps, des enfants dysorthographiques ont été très complexés et évalués sur la forme et non pas sur le fond, cela les pénalisait, note Cédric Toiron. Le fait d’avoir ces dispositifs permet d’évaluer les connaissances et les compétences ciblées par les professeurs et de faire abstraction de ces difficultés pour accompagner l’enfant ». Y compris lors d’examens institutionnels comme le brevet libanais, le DNB français et le baccalauréat, l’élève peut bénéficier d’un tiers-temps (un tiers du temps en plus pour rendre son travail), des sujets agrandis pour les déficients visuels, d’un répétiteur pour reformuler une consigne ou d’un secrétaire de séance pour écrire… Dans le système français supérieur, ces dispositifs continuent d’exister : que ce soit en faculté de médecine ou en école de commerce, un étudiant aura le droit d’avoir ces mêmes adaptations jusqu’à son insertion professionnelle.

Néanmoins, malgré ces aménagements, l’établissement reste ferme quant à l’implication de ces élèves. « Ce n’est pas quelque chose qui allège au niveau du travail, c’est là où parfois il y en un écueil. C’est important que l’élève entende que les aménagements ne le dispensent pas de travailler et être au niveau. Par exemple si nous lui donnons des moyens pour prendre en photographie le tableau et faire des photocopies mais, à la maison, il va avoir plus de travail que ces autres camarades puisqu’il va devoir synthétiser ce qu’il n’a pas écrit. Ce serait illusoire de penser que simplement par ces adaptations, des élèves y arrivent ». Sur ce point, Sandra Pardo regrette aussi de recevoir des demandes d’aménagement sans pour autant que ces élèves soient suivis par un spécialiste. « Certaines familles voient un orthophoniste ou un psychomotricien pour le bilan mais pas pour des séances. Or, pour un élève qui a une dyslexie ou une dysorthographie ou dysgraphie, nous pouvons mettre en place un aménagement mais cela ne soigne pas. Il y a parfois un malentendu sur le fait qu’un aménagement puisse réduire le problème ».

 Quels résultats ?

« Si nous n’avions pas eu le robot pour permettre à une élève de 6e de suivre les cours lors de son hospitalisation, elle aurait été déscolarisée, constate Cédric Toiron. Le robot lui a, en effet, permis de suivre ses cours, toute l’année scolaire, et de retrouver ses camarades l’année suivante sans retard dans son parcours. Un autre élève qui avait développé une phobie scolaire, a eu un PAP mis en place en 5e parce qu’il n’était pas sûr de lui, et réussit brillamment depuis : « cet élève a besoin de temps, il a une motricité très lente et donc beaucoup de difficultés à écrire rapidement. Cela lui a permis d’être dans l’excellence alors qu’il était en difficulté. Bien qu’étant travailleur, il n’avait pas la possibilité d’exprimer les connaissances qu’il avait acquises », remarque Cédric Toiron. Au lycée, un élève qui avait des difficultés d’apprentissage et de concentration lourde a bénéficié de la possibilité de passer le baccalauréat en deux ans : la moitié des épreuves une année et l’autre moitié l’année suivante. « Sans cela, il ne l’aurait pas eu, pense Sandra Pardo. C’est un élève qui avait des difficultés d’analyse et cela représentait une masse trop importante de révisions pour lui ». La proviseure adjointe lycée revient aussi sur la réussite d’une élève qui avait des troubles auditifs et, pour qui, les aménagements lors des épreuves de compréhension orale de langues vivantes ont permis d’avoir des notes très satisfaisantes. D’autres élèves décrocheurs, ont pu, eux, revenir sur le chemin de l’école grâce à des emplois du temps aménagés. « Globalement, cela permet à des élèves d’être scolarisés et de réussir alors qu’il y a quelques années, ils auraient été à domicile ou en échec », insiste la proviseure adjointe.

Au-delà de l’intérêt que cela a pour les élèves en question, « c’est essentiel que tous les élèves se rendent compte qu’on peut être différent, qu’on peut être dans un établissement scolaire et en réussite. L’inclusion des élèves à besoins particuliers permet aux autres élèves d’apprendre la différence, c’est quelque chose d’extraordinaire, d’indispensable », conclut Sandra Pardo.