Accueilchevron_rightL’Olivier, Le petit journal du Grand Lycéechevron_rightLe Climat scolaire

Fin 2018, 988 élèves (221 écoliers de CM2, 426 collégiens et 341 lycéens) ainsi que 574 parents de 981 élèves ont répondu aux questionnaires mis en place par un des spécialistes français du climat scolaire, Eric Debarbieux. Il apparaît que l’établissement a un indice de climat scolaire « bon » ou « très bon » à 96% au primaire et au collège, et 92% au lycée. Toutefois, des tensions ou des incompréhensions ont également été dévoilées et sont expliquées par le proviseur, Brice Léthier, dont l’objectif était de pouvoir les mesurer afin de mieux les traiter.

Cela intéressait Sandra Pardo (proviseure adjointe lycée) et moi-même qui ne passons que cinq ans dans cet établissement d’avoir une perception autre, quand des élèves y passent quinze ans de leur vie.
Nous avons eu la chance de rencontrer Eric Debarbieux qui est un universitaire spécialiste des sciences de l’éducation, lors du dernier congrès de la Mission laïque française. Pour les gens de ma génération, il fait partie de ces auteurs avec lesquels nous avons appris notre métier. Nous avons tous lu ses livres sur la violence scolaire, sur le climat scolaire et le rencontrer à l’occasion de ses séminaires de la Mlf qui sont toujours de très haute tenue intellectuelle et professionnelle, était une chance inespérée.
Comment l’enquête s’est-elle déroulée ?
Eric Debarbieux a mené des enquêtes de cette nature auprès de plus de mille établissements que ce soit en France et à l’étranger. Il a affuté et affiné ses outils au fur et à mesure et était donc capable de nous proposer des questions éprouvées sur un échantillon très large d’établissements. Au GLFL, une problématique essentielle nous intéressait, celle des cours particuliers. Il s’agit d’une réalité dans les établissements français à l’étranger et nous nous interrogions sur l’ampleur du phénomène dans l’établissement. A son enquête classique, nous avons donc demandé d’adjoindre un volant de questions sur la nature et l’ampleur de ces cours.
Elèves, parents d’élèves et personnels de l’établissement ont été consultés. Les trois questionnaires qui se sont recoupés étaient découpés en plusieurs grands champs : Est-ce que vous êtes heureux ? Est-ce que vous faites confiance à la qualité de l’enseignement qui vous est dispensé ? Est-ce que vous vivez bien avec vos camarades ? Est-ce que vous connaissez des problématiques particulières ?

Cela nous a permis d’avoir une vision d’ensemble sur le climat scolaire.
Qu’a confirmé cette enquête ?
Une grande satisfaction, une grande joie et un grand attachement aussi bien de la part des élèves, des parents et des enseignants à l’établissement. Ils y sont heureux : 94% des écoliers, 96% des collégiens et 89% des lycéens estiment vivre bien ou très bien dans l’établissement. 86% des écoliers, 91% des collégiens, 84% des lycéens et 89% des parents disent qu’on n’y apprend bien ou très bien. 92% des collégiens et lycéens, 89% des parents estiment que leurs enfants sont en sécurité. Ce n’est pas une surprise. En début d’année, Sandra Pardo a eu cette excellente idée de nous faire rencontrer les parents des élèves de Terminale et leurs enfants lors d’entretiens individuels pour faire le point sur leurs quinze ans de scolarité et nous avions perçu leur grande satisfaction et leur attachement au Grand Lycée. L’enquête a confirmé cet attachement.
Là où elle a apporté quelque chose de particulier c’était par rapport au timing. L’enquête a eu lieu après une crise profonde et nous avons eu une interrogation sur la façon dont l’établissement pouvait être perçu par les parents. Il y avait des interrogations compte tenu des natures des manifestations et des voix qui s’étaient exprimées. Ce qui ressort c’est qu’au-delà d’un problème ponctuel, la confiance est grande aussi bien pour le personnel que pour le modèle éducatif qui est le nôtre.

Qu’est-ce qui vous a surpris ?
Concernant leur avis sur la qualité des infrastructures, nous sommes nettement au-delà de ce qu’expriment les élèves dans les établissements en France. Ici, ils sont, dans l’ensemble, très satisfaits : 96% des écoliers, 90% des collégiens, 88% des lyciens apprécient le bâti. Ils se sentent très bien dans les murs de l’établissement. Il n’empêche qu’il existe un problème majeur au niveau des toilettes sur lequel nous travaillons. Nous avons mandaté un cabinet d’architecture pour nous faire des propositions d’implantations de nouvelles toilettes dans l’établissement qui au regard des normes, nombre de toilettes par occupants, est en deçà des attendus.
Quels ont été les autres points sensibles et problèmes révélés par l’enquête ?
Même si, en quantité, ils sont peu importants, cela n’en fait pas pour autant des problèmes mineurs. En terme de harcèlement et d’ostracisme, les statistiques sont supérieures à des échantillonnages de France : 2% des élèves déclarent être harcelés, 22% disent l’avoir été et ne plus l’être. Il est possible que certains aient parlé de harcèlement alors qu’il s’agit d’un diffèrent, sans la notion de répétition propre au harcèlement. Il n’empêche, un élève harcelé est un élève harcelé de trop, un élève ostracisé est un élève ostracisé de trop. Même s’il est le seul et l’unique. C’est un point sur lequel il faut travailler au quotidien. Il faut savoir qu’un élève se sent bien dans un établissement s’il est en lien avec ses pairs et au moins un adulte. Il faut donc veiller à ce qu’aucun élève ne se sente isolé.

D’autre part, 38% des élèves disent avoir été témoins d’insultes homophobes, 19% des élèves disent avoir été témoins d’insultes sexistes. C’est le quotidien de tout établissement scolaire, cela ne nous a donc pas étonnés. Un établissement n’est pas un lieu parfait, c’est un lieu dont la vocation est d’amener les gens à exprimer le meilleur d’eux même et à résoudre les problèmes de la façon la plus honnête qui soit. Il existe déjà certaines interventions dans les classes à ce sujet. Eric Debarbieux nous invite à ne pas nous contenter de parole mais à agir. Là, je le rejoins complètement. Les discours sur le harcèlement, sur le bien sur le mal, certes, c’est utile, mais ça ne fera pas fondamentalement changer la pratique des gens. Ce qu’il nous invite à faire c’est de mettre en place des actions qui font vivre les valeurs qui sont les nôtres. Nous avons déjà des actions citoyennes réalisées par les élèves qui s’impliquent au service de la communauté. Nous avons également formé cette année tout le niveau de 4e à la médiation. Donc les élèves sont capables d’intervenir sur des différents pour les régler de manière pacifique. Ça, ce sont des actes. Je prends une citation de Sartre dans L’existentialisme est un humanisme : « seule l’action décide ce qu’on a voulu ». Vouloir le respect, cela ne devient une réalité qu’une fois qu’on a posé des actes de respect. Il faut donc multiplier ce genre d’initiatives.

Un autre point marquant pour les élèves est le niveau élevé de stress…
En effet, 42% des élèves se disent stressés notamment par le travail scolaire, la lourdeur de l’emploi du temps, et les devoirs communs. Le stress est une réalité parce que cet établissement est un établissement d’excellence et que de fait, étant dans l’excellence, les élèves visent à développer au mieux leur potentiel et, de fait, sont en concurrence les uns avec les autres. Par ailleurs, l’excellence ne s’obtient pas sans un effort de tous les instants. Donc nous leur demandons un travail conséquent au Grand Lycée et à la maison. D’un côté, les élèves aspirent à une vie plus légère, moins chargée en termes de travail tout en visant le développement de leur potentiel. Et là, de fait, il y a un tiraillement. Le défi pour nous c’est de trouver la voie efficiente, il faut permettre aux élèves d’atteindre l’excellence maximale en leur en demandant le moins possible, mais c’est une voie étroite !
Il y a ainsi plusieurs volants dans le traitement du stress : réduire les facteurs de stress avec, d’un côté, le « cursus Grand Lycée » que Cédric Toiron et le groupe qu’il pilote mettent en place pour rééquilibrer les horaires des élèves [voir l’article sur les brevets], la réflexion sur les examens, la réduction de samedis travaillés, les tentatives de réduction des horaires hebdomadaires et, de l’autre côté, apprendre aux élèves à travailler sur le stress parce que dans tous les cas le stress peut être positif ou négatif. Positif, c’est celui qui va vous pousser à vous dépasser ; le négatif est celui qui vous paralyse, vous bloque, vous empêche de dormir. Nous avons demandé parallèlement à Maya Chehab, la psychologue scolaire, de mettre en place un atelier sur la maitrise du stress dans les classes à examen.

Toutes les études menées ont démontré que les établissements scolaires qui réussissent sont ceux où il y a des devoirs communs. Dans tous les établissements que j’ai dirigés et où j’ai mis en place des devoirs communs, j’ai clairement vu l’amélioration nette des résultats aux examens que ce soit au brevet ou au baccalauréat. Comment prétendre courir le 100m si on ne l’a jamais couru ? Comment prétendre faire un devoir en 4h si on n’a jamais appris à gérer son temps en 4h ? Ces devoirs communs sont une absolue nécessité, par ailleurs cela suppose que les élèves travaillent sur des sujets uniques et soient corrigés par d’autres personnes que leur professeur. Pour nous c’est une garantie, au niveau professionnel, de la qualité de ce que nous dispensons parce que cela nous oblige tous à travailler ensemble. Les devoirs communs vont donc rester mais nous nous interrogeons sur le bon équilibre.
Jusqu’à l’an dernier, les Terminales avaient un devoir commun quasiment tous les samedis. Désormais, ils ont beaucoup moins de samedis travaillés mais deux bacs blancs, ce qui a permis de libérer du temps les week-ends tout en maintenant l’exigence de trois devoirs de type examen dans l’année. Parce que nous pensons que pour atteindre l’excellence, il faut trouver un équilibre entre vie scolaire et vie personnelle. Notons quand même que – et il s’agit ici d’un des seuls points de différences entre les élèves et leurs parents – les parents qui ont répondu à l’enquête n’estiment pas que leurs enfants soient surchargés.

Quel regard est-il porté sur la justice interne ?
Les élèves comme les parents portent un regard critique sur les sanctions qui sont faites. Le système global de sanctions est perçu comme plutôt injuste par 41% des élèves. Il faut rappeler qu’il existe une différence entre ce qui est de l’ordre de la perception et la nature de la décision. Ces sanctions ne sont donc pas forcément injustes, mais incomprises c’est certain. Cela signifie qu’on doit être beaucoup plus clair dans l’appropriation du règlement intérieur, dans l’explicitation du règlement intérieur et dans la façon dont nous prenons les décisions et les communiquons. Nous avons un groupe de travail sur le règlement intérieur composé de parents, de professeurs, d’élèves, de CPE et de la direction. Cela va être l’occasion de reprendre l’équilibre général des sanctions et des procédures disciplinaires dans l’établissement.
Un problème dans une classe est celui de l’élève, de ses parents, du professeur, de la vie scolaire et de la direction. Nous ne pouvons pas sous-traiter un problème de discipline et s’en décharger en le confiant à un autre service. Nous devons travailler tous ensemble pour trouver une solution. Les établissements dans lesquels le traitement de vie scolaire et le traitement des sanctions internes fonctionnent bien sont ceux où tout le monde collabore, travaille ensemble. Sur ce point en particulier, nous avons une marge de progrès.

Si le système de notation est perçu comme juste par près de 85% des élèves interrogés, la fraude aux devoirs et les réponses disciplinaires semblent être un problème…
En effet, même si 85% des parents estiment que l’établissement est juste, 37% des élèves déclarent que la fraude est un phénomène important au lycée et 40% des élèves pensent que la triche « n’est pas » ou « n’est plutôt pas » sanctionnée. Comme il n’y a pas communication générale autour des sanctions prises, car elles sont personnelles, les élèves peuvent penser qu’elles ne sont pas faites, alors qu’elles sont faites. La réponse que nous donnons à la fraude est la même que celle prévue aux examens. L’épreuve peut être annulée alors que le coefficient et maintenu et l’élève peut être blâmé. C’est sans doute l’un des établissements dans lequel je suis amené à sanctionner autour de problème de fraude, plus au lycée qu’au collège, pour une raison simple : nous avons des élèves qui, quand bien même ils sont dans l’excellence, compte tenu de leur stress, de leurs inquiétudes, n’ont pas suffisamment confiance en eux-mêmes et se mettent en danger alors qu’ils sont parfaitement en situation de réussir. Et les élèves qui fraudent ne sont pas des élèves qui ne réussissent pas, ce sont des élèves qui veulent encore mieux réussir et qui pensent que la fraude peut être un moyen, ce qui est une erreur colossale.