Accueilchevron_rightL’Olivier, Le petit journal du Grand Lycéechevron_rightParoles d’Ancienne - Nada Yafi

Cinquante ans après avoir obtenu son baccalauréat au Grand Lycée, ce n’est pas sans émotion que Nada Yafi s’apprête à remettre leurs diplômes de fin d’études aux 250 élèves de la promotion 2019, en tant que marraine. Cette ancienne interprète des présidents de la République française a été diplomate pendant vingt ans, directrice du centre de langue et de civilisation arabes de l’IMA et membre du comité de rédaction de la revue en ligne Orient XXI. Retraitée, elle a décidé de renouer avec son pays d’origine duquel la guerre, les rencontres et le travail l’ont éloignée pendant des années, et avec le GLFL par la même occasion.

Quel souvenir gardez-vous du GLFL ?

J’ai fait toute ma scolarité dans cet établissement sauf une année où j’ai, pour des raisons familiales, habité à Zahlé chez les Sœurs, dans un collège en internat. J’ai mille fois préféré le Grand Lycée, avant toute chose, pour la très grande mixité à la fois du genre et des confessions. Nous ne posions pas la question de savoir de quelles religions étaient nos camarades et nos amis. Depuis, je me sens bien dans les milieux où l’on trouve une mixité et une pluralité. Cela représente bien le Liban et cette coexistence entre différentes cultures et religions.

 

Des rencontres avec des enseignants vous ont-elles marquée ?

Je me souviens de M. Maurin, professeur de lettres, parce que la langue française a toujours été pour moi une exploration de la littérature et de la pensée. Michel Ribon, un professeur de philosophie qui a écrit le livre sur la seconde guerre mondiale Le passage à niveau, m’a également beaucoup marquée. Il incarnait vraiment la réflexion, l’esprit critique. C’était très fort comme relation parce qu’elle arrivait à ce moment de l’adolescence où l’on se pose beaucoup de questions existentielles. Le fait d’avoir obtenu le premier prix en philosophie du concours interscolaire Michel Chiha en 1969 est un souvenir inoubliable

 

Quel a été votre parcours suite à cela ?

Après un long moment d’hésitation et un drame personnel qui est le décès de mon mari, j’ai suivi des études de Lettres Modernes en France, comme boursière. Arrivée à la maitrise, j’ai trouvé que le professorat n’était pas assez dans l’action mais trop dans la contemplation. J’ai toujours eu envie de lier mon apprentissage à une profession plus pragmatique et dynamique. J’ai donc poursuivi avec des études d’interprétation à l’ESIT, l’Ecole supérieure d’interprètes et de traducteurs, et ai commencé à être interprète lors de grandes conférences internationales puis, au Quai d’Orsay de 1989 jusqu’en 2002. À force de fréquenter des diplomates, j’ai passé le concours de conseiller des Affaires Etrangères au Quai d’Orsay et j’ai occupé un poste de consul général de France à Dubaï et d’ambassadrice de France à Koweït-City. Une fois retraitée, j’ai géré le centre de langue et de civilisation à l’IMA, l’Institut du Monde Arabe à Paris.

 

En quoi diriez-vous que votre scolarité dans cet établissement vous a aidé par la suite ?

Une des choses que le Grand Lycée m’a données est le plurilinguisme. Les autres valeurs, nous les retrouvons dans le parcours que j’ai choisi : la pluralité, le multiculturalisme, cette vocation libanaise que porte bien cet établissement de faire le lien entre les cultures, l’intermédiaire entre différents univers et civilisations.

 

Quelle est, selon vous, la marque de fabrique des Lycéens ?

Ils sont tous polyglottes et parlent au moins français, anglais et arabe ; c’est la force des Libanais en général. Ils sont également très curieux, ils ont réussi dans des parcours différents en tant qu’ingénieurs ou médecins, ils lisent beaucoup, ils aiment voyager. J’ai rencontré des camarades qui m’ont invitée à rejoindre des Anciens de ma promotion, coordonnés par Hassan Khalil (Page Facebook : « Lycee 69 »). Je vais sûrement les revoir lors de mon prochain passage à Beyrouth.

Comment maintenez-vous ce lien aujourd’hui ?

Autant, à un certain moment, avec le traumatisme de la guerre, j’ai eu envie de m’éloigner du Liban mais là, j’ai envie de renouer avec lui. Même si c’est un pays qui envoie sa diaspora dans le monde, celle-ci reste attachée à son petit coin de paradis. Chaque fois que je passe devant le Grand Lycée, cela me fait quelque chose. Je suis ravie de pouvoir être la marraine de la dernière promotion. Pour les Anciens, cette nouvelle génération représente beaucoup d’espoirs et les promesses des choses que nous n’avons pas su réaliser.