Accueilchevron_rightL’Olivier, Le petit journal du Grand Lycéechevron_rightLe Numérique, au service de la pédagogie

Le numérique s’étant imposé dans tous les pans de la vie quotidienne, c’est tout naturellement qu’il a aussi fait son entrée, progressivement, et ce depuis une dizaine d’années, dans programmes et les classes. Quels sont les outils utilisés au GLFL et à quelles fins ? Plongée dans la pédagogie 2.0 des petites classes jusqu’à la Terminale.

 

Une initiation dès la maternelle

Ce matin, dans la classe de Grande section de Diala Mallah, un drôle d’animal fait son apparition. Tout rond, ludique et joyeux, le robot Bit-Bot n’est pas seulement là pour amuser la galerie : il permet aux enfants de découvrir les bases de la robotique. Adapté aux classes de maternelle, ce robot abeille est un support pédagogique de choix aux professeurs des écoles. « Grâce à ce robot conçu pour coder, les élèves apprennent l’algorithme. Ils appuient sur les bons boutons pour qu’il se déplace sur un parcours précis vers des étiquettes ou le long des kaplas », explique l’enseignante.

« Comment vas-tu faire pour que la bit bot retourne sa place ? » demande-t-elle à une élève qui s’empresse d’appuyer sur le pavé directionnel intégré sur le dos de la petite bête : flèche gauche, flèche droite, haut, bas et bouton « OK » pour valider, voila l’engin qui se déplace et les enfants qui suivent attentivement l’activité. Cette dernière acquisition du Grand Lycée fait partie des nouveaux outils numériques mis à disposition des maternelles et du primaire pour permettre aux enfants d’acquérir de nouvelles compétences qui figurent désormais sur leurs bulletins scolaires : « nous avons vu apparaître, cette année, des compétences telles que ‘savoir manier un logiciel’ ou encore ‘coder un robot’ dès la maternelle », informe Diala Mallah.

Depuis une petite dizaine d’années, les classes sont déjà équipées du tableau numérique interactif (TDI) qui fait désormais partie du quotidien de l’élève. Ce dernier y écrit la date le matin, définit la météo du jour, y travaille les lettres et les nombres en grand format avant de passer à des activités sur papier. « Le principal apport se trouve au niveau de l’interactivité, précise Diala Mallah, parce qu’il y a plein de jeux de manipulation, d’étiquettes qui bougent en français et en mathématiques ; on peut aussi y voir des documentaires en Arts ou en sciences. Lorsque nous étudions le mode de vie d’un animal par exemple, les enfants peuvent cliquer sur des boutons et commenter les images de la vidéo ». Pour cette nouvelle génération dénommée « les digital natives », le numérique est déjà présent à la maison depuis leur naissance et c’est tout naturellement qu’il le retrouve donc en classe. « C’est plus clair, plus animé, plus attirant que le simple tableau blanc, confirme l’enseignante de GS. Je peux faire du théâtre toute la journée pour capter leur attention mais ils ne sont jamais aussi concentrés que devant un écran. Nous avons d’ailleurs remarqué que le bavardage est en baisse lorsque nous utilisons les outils numériques qui les intéressent ». Cette interactivité aide aussi beaucoup à la mémorisation à long terme des apprentissages.

avons réalisé un petit clip où deux personnages dansaient, réinterprété la Nuit étoilée de Vincent Van Gogh et, en ce moment, les élèves sont en train de créer un jeu de labyrinthe de style chasse aux fantômes ».

Avoir une tablette permet aussi à chaque enfant d’aller à son rythme. « Pour la lecture, par exemple, certains sont en ce moment à la liste numéro 9 et d’autres à la liste numéro 2 », précise Diala Mallah en Grande section. C’est comme s’il y avait non pas un enseignant mais cinq ou six selon le nombre de groupes de travail ». Pour Martine Jabre, l’intérêt est également, avant tout, de pouvoir permettre à chaque enfant d’aller à sa vitesse. « Grâce à ELSA pour la lecture, chacun a son compte et les élèves progressent très rapidement dans l’apprentissage de la compréhension de texte. Le fait qu’ils voient leurs progressions avec des tableaux et des graphiques les motive et les stimule ». Sur Scratch, certains élèves sont particulièrement avancés, « cela dépend de la façon dont ils appréhendent l’outil et s’investissent », précise l’enseignante de CM2.

Avant même d’arriver en Sixième, tous les élèves savent ainsi manipuler l’outil informatique, et viennent tous en classe munis de leur clé USB où se trouvent divers projets qu’ils travaillent à la fois à l’école et à la maison.

 

Une pédagogie personnalisée et différenciée

Autre nouveauté, des tablettes ont été mises à disposition de l’ensemble du niveau de GS et de CM2, ce printemps. Les plus petits travaillent sur des applications ludiques de Nathan ou d’organismes privés quand, en CM2, une trentaine d’iPads est dans chaque classe deux heures par semaine. « On travaille la lecture avec ELSA, la géométrie dynamique avec l’application Geogebra ainsi le codage et l’animation et la programmation avec Scratch, par groupe de deux ou de façon individuelle », explique Martine Jabre, enseignante de CM2F. Sa classe a ainsi pu participer à un projet en collaboration avec la Mlf America : « nous

 

Des cours de mathématiques sur écrans

Au collège et au lycée, c’est essentiellement durant le cours de mathématiques que les élèves utilisent l’outil numérique. Auparavant, c’était en Terminale et en Première, surtout en sciences économiques et sociales où il y avait beaucoup de pourcentages et de statistiques à calculer, que les élèves maniaient les tableurs comme Excel. Puis, l’utilisation du tableur est arrivée en Seconde et au collège jusqu’en Sixième où un élève remplit une formule avec le symbole « = » afin de comptabiliser une valeur sur un nombre important de données. « Nous manipulons des grandes données parce que nous sommes censés en manipuler dans la vie avec ce qu’on appelle le Big Data. Facebook, par exemple, enregistre un nombre de données incroyable et il faut savoir comment les stocker grâce au mathématiques », explique Gérald Ferdinand, professeur de Mathématiques au Grand Lycée.

En géométrie, le logiciel qui a révolutionné la pédagogie est Geogebra. « Tout d’un coup, les figures se sont mises à bouger. Nous traçons deux droites et pour savoir si elles sont parallèles, le logiciel permet de prendre la première droite et, en un clic, la fait descendre parallèlement à la deuxième jusqu’à ce qu’elles puissent être confondues. C’est ce qu’on appelle l’aspect dynamique du logiciel. Il fait en sorte qu’on puisse conjecturer les propriétés et les faire intervenir ensuite pour arriver à la démonstration », continue Gérald Ferdinand. Cela permet enfin de toucher du doigt les mathématiques sans que cela reste abstrait.

Avec Scratch, dès le cycle 3 (CM1-CM2-Sixième), les élèves travaillent sur les algorithmes pour apprendre comment faire bouger un petit bonhomme sur un écran, quelles sont les fonctions qui permettent de créer un déplacement dans l’espace : « Je suis dans la cour de récréation et dois me déplacer d’un endroit à un autre, comment puis-je faire algorithmiquement ? Je sais comment y aller mais est ce que je peux l’expliquer ? La réflexion de l’élève est dans l’explicitation de son parcours et donc l’argumentation », précise le professeur de mathématiques. Depuis trois ans, les élèves de Seconde utilisent aussi le langage de programmation « Python » et l’année prochaine, en Première puis en Terminale, une spécialité « Numérique et sciences de l’informatique » de 4h sera enseignée au GLFL, seul établissement à la proposer au Liban.

 

Elèves en difficultés

Parmi les premiers à bénéficier de ces outils, se trouvent les élèves à besoins particuliers. En maternelle, cet accès au numérique facilite l’apprentissage pour les élèves qui ont des difficultés avec le graphisme : « sur la tablette, cet apprentissage est plus facile parce qu’ils ont la direction indiquée et une animation à côté. Cela ne peut pas remplacer les autres étapes mais, en supplément, c’est un excellent outil », explique Diala Mallah. Il en est de même en primaire ou Martine Jabre remarque l’agilité avec laquelle certains élèves aux besoins particuliers ayant, par exemple, un problème d’écriture ou de concentration utilisent les tablettes pour travailler. « Comme tout doit être tapé, ils sont beaucoup plus performants qu’à l’habitude, cela leur donne confiance en eux et leur potentiel », note-t-elle.

Un logiciel comme Geogebra sert aussi aux élèves qui ont un problème de manipulation des outils. « Utiliser sa règle et faire un trait droit, utiliser un compas, ce sont des tâches extrêmement compliquées pour certains élèves de collège », explique Gérald Ferdinand. Avec ce logiciel, ces élèves peuvent désormais, sans outil géométrique, faire de la géométrie. « Alors, en effet, nous ne savons pas s’ils savent construire, mais nous pouvons être sûrs qu’ils savent suivre un programme de construction. Il y a quelques années, nous donnions un programme de construction et les dyspraxiques, par exemple, ne pouvaient pas avancer. Aujourd’hui, grâce à de tels outils, eux aussi peuvent valider ces compétences ».

 

Des élèves plus impliqués et autonomes

Là où la tablette fait également une petite révolution, c’est dans les cours d’EPS. Les iPads y sont utilisés essentiellement pour des prises de vue avec l’appareil photo et vidéo lors d’activités comme l’acrosport ou l’acrogym. « Lorsque les élèves construisent des pyramides selon des modèles, ils peuvent se prendre en photo et se comparer au modèle ; ils sont ainsi davantage acteurs dans leurs apprentissages, explique Thomas Schutz, professeur d’EPS. Avec la vidéo, ils peuvent faire un ATR, un appui tendu renversé, devant un camarade qui les filme, ils viennent prendre connaissance de l’élément réalisé et voient le travail qui reste à fournir ». Les élèves ont ainsi une connaissance du résultat immédiate là où, avant, ils avaient un simple retour oral du professeur. Cela permet aussi à l’enseignant de se détacher de ce rôle pour aller vers des élèves qui ont des besoins plus particuliers. Cela a ainsi « redonné un coup de vif » à l’implication des élèves dans des tâches qui étaient parfois perçues comme ennuyantes « comme par exemple le rôle d’arbitre dans des activités de raquettes grâce à une application qui suit l’évolution du score sur la tablette. Cela est assez élaboré et permet de gérer des tournois », note le professeur. Dans cette nouvelle configuration, l’élève est amené à davantage d’autonomie dans son travail, d’autoévaluation et d’autocorrection.

Y-compris dans les cours en classe, « la plupart sont très contents parce qu’ils travaillent à plusieurs, s’entraident, peuvent travailler à leur rythme, chez eux et pas seulement en cours ; ils savent que le professeur est là mais qu’ils n’ont pas forcément besoin de lui, continue Gérald Ferdinand. Cette autonomie fait que l’élève se sent plus libre dans ses apprentissages ». Cette autonomie encourage également l’élève à avoir un retour réflexif sur son travail car il est confronté à ses difficultés, ses échecs et ses réussites.

 

Un métier d’enseignant à réinventer

Martine Jabre passe désormais une partie de ses journées à préparer ses cours interactifs sur ordinateur et à chercher de nouvelles applications à visées pédagogiques pour faire travailler ses élèves. Sa dernière trouvaille : une application pour faire apprendre les tables de multiplication que ses élèves peuvent utiliser pour patienter lorsqu’ils ont fini un travail. « Ils font parfaitement la différence entre ce qui est à la maison du domaine du jeu et à l’école du domaine du travail », relève-t-elle. Seul bémol à cette révolution numérique à l’école, les professeurs se forment la plupart du temps eux-mêmes : « Le coding, c’est la deuxième année que je le fais avec Mlf America, les Ipads, nous en manipulons depuis janvier ; j’apprends avec des livres et des tutoriels, cela dépend beaucoup de l’investissement personnel de chacun ». Selon elle, il n’est pas utile de chercher à parfaitement maitriser un outil pour en faire profiter sa classe : « il ne faut pas avoir peur de faire une erreur ou d’être bloqué. On donne le problème aux élèves en leur demandant d’essayer de trouver une solution, comme cela m’est arrivé avec Geogebra, et ils trouvent. Cela devient une situation de recherche pour eux et c’est très formateur ».

Pour Gérald Ferdinand, « le professeur de mathématiques tend à devenir un professeur d’informatique ». Lui, a reçu des formations sur les langages de programmation et sur la manière de l’enseigner mais cela reste un défi « de passer d’un enseignement frontal, même si c’est moins le cas depuis quelques années, à un enseignement où l’élève doit être autonome ». En NSI, Numérique et sciences de informatique, il faut laisser les élèves travailler par deux ou trois, « nous pourrions nous dire que cela nous enlève notre part d’enseignant car nous pouvons les laisser deux heures en étant simplement un guide qui va les encourager et les alerter. Mais, en même temps, ils font des projets tellement complexes que nous ne pourrions pas lire toutes les lignes de code, et leurs résultats sont souvent formidables, il est bon de leur faire confiance ».

Le dernier projet autour du numérique qui arrive au Grand Lycée est d’essayer d’apprendre à l’élève ce qu’est le numérique dans notre société. « Cela n’a plus rien à voir avec les mathématiques, ce sont des sujets de philosophie, des sujets sociétaux à traiter en Histoire-géographie ou en Sciences économiques et sociales », note Gérald Ferdinand. Avec la réforme du baccalauréat et l’arrivée des SNT, Sciences numériques et technologiques, en Seconde, nous ferons en sorte que les élèves aient des notions numériques mais aussi une conscience du numérique dans notre société, une forme d’éthique du numérique et à terme de droit du numérique. C’est ainsi le début d’une transformation, encadrée par le comité numérique du GLFL créé il y a trois ans qui a la charge de recenser tous les projets numériques de l’établissement afin d’étendre l’utilisation des nouveaux outils à toutes les classes et tous les enseignements.