Accueilchevron_rightL’Olivier, Le petit journal du Grand Lycéechevron_rightDes élèves à la page!

C’est un endroit où chaque élève entre sur la pointe des pieds, croise le regard de ses camarades plongés dans des bandes dessinées, aime laisser ses doigts se perdre dans les rangées de romans et de livres documentaires, prend plaisir à découvrir des travaux d’autres classes exposés le temps d’une recréation. Les CCC Collège et Lycée, appelés autrefois CDI, sont, comme leur nom l’indique aujourd’hui, des Centres de connaissances et de culture. Quelle est leur spécificité au Grand Lycée ? Quels types d’activités et de services proposent-ils ? Immersion dans le monde des livres et du savoir.

« Ce n’est pas vrai que les enfants ne lisent pas, ils lisent ! », affirme avec passion Michèle Kupelian, professeure documentaliste au CCC Collège. Il ne faut, en effet, pas attendre longtemps à la sonnerie de la grande recréation pour voir arriver les premiers groupes d’élèves. Parmi eux, certains viennent continuer leur roman du moment quand d’autres, du côté de la salle informatique, demandent à Sabine Hodeib, autre professeure documentaliste, de l’aide pour terminer un projet de mathématiques sur GeoGebra, Scratch, ou encore mettre en page un exposé d’Histoire-géographie jusqu’à la fin de la pause méridienne. Là, Michèle Kupelian fait un tour dans les rayons pour s’assurer que tout est en place : « Les collégiens vont de plus en plus vers les livres documentaires. Les sciences et l’histoire les intéressent particulièrement. Comment le sait-on ? Parce que je constate qu’ils sont tous déplacés ! Mais cela me rend très contente, parce que même si, c’est vrai, ils ne les remettent pas bien en place, cela signifie que c’est un CCC qui vit ! », s’exclame-t-elle.

Côté CCC Lycée, des Premières, concentrées, préparent leur oral de Bac blanc quand d’autres terminent des mangas. Dans la salle multimédia, quelques élèves poursuivent leurs recherches sur les sciences ou le développement durable, cette fois-ci en total autonomie. Mira, en Première, est arrivée au GLFL il y a un an et demi et fait partie, depuis, des habitués du CCC Lycée : « J’aime beaucoup cet endroit. Je viens quand je veux lire, travailler ou réviser avec des amis mais aussi pour enrichir mon travail personnel encadré (TPE) sur la réalité virtuelle ou faire des recherches personnelles sur la poésie, par exemple. Dans mon ancien établissement, collégiens et lycéens étaient mélangés. C’était tout le temps plein, bruyant et le choix était beaucoup plus limité. C’est une chance d’avoir ces deux espaces distincts et si fournis ».

À chacun son CCC : une spécificité du Grand Lycée

Le GLFL est le seul établissement au Liban à avoir un CCC Collège et un CCC Lycée. Sandrine Promeyrat, chef de service des Centres de connaissances et de culture du Grand Lycée aime présenter ces lieux comme « le cœur de l’établissement », des endroits calmes imprégnés de savoir dans lequel se côtoient et se mêlent des élèves de plusieurs âges, plusieurs niveaux, qui ont poussé les portes du CCC pour des raisons différentes. « Peuvent être assis à côté une amoureuse de littérature qui lit un livre par soir et une élève qui rencontre des difficultés en cours mais se passionne au CCC pour la seconde guerre mondiale. Ils savent que nous avons un regard bienveillant et détaché de l’image qu’ils dégagent dans une salle de classe face aux professeurs, et c’est aussi ce qui les motive à venir ici », explique-t-elle.

 

Jad, en 3e, confirme que le préjugé qui consisterait à penser que tous les élèves qui viennent au CCC sont des intellos antisociaux n’existe pas au Liban : « Les élèves sont assez matures pour comprendre que quelqu’un aime lire et travailler au calme. Personnellement, je suis venu aujourd’hui pour un travail au CCC sur l’utopie et je reviens maintenant pendant mon heure libre pour lire des romans policiers. Je ne suis pas le seul dans ce cas dans ma classe et c’est très bien perçu par nos camarades ».

Des élèves impliqués dans leurs lectures

La première mission des professeurs documentalistes est la gestion du fond : les CCC proposent à la fois des romans, des albums, des livres documentaires, des magazines et des bandes dessinées. « Nous analysons les besoins, gérons les commandes, cataloguons les acquisitions, nous assurons de la bonne répartition des ouvrages », détaille Sandrine Promeyrat. Les élèves, eux aussi, ont la possibilité de participer à la politique d’acquisition de l’établissement. Au collège, Michèle Kupelian arbore fièrement au centre de la salle sa « boîte à suggestions » : « une boîte dans laquelle les élèves peuvent déposer un petit papier avec le titre du livre ou de la collection qu’ils veulent continuer ou qu’ils proposent, sous réserve de validation des documentalistes. Le fait qu’ils déposent, eux, leur idée et qu’ils voient, par la suite que nous l’avons commandée, les rend fiers et heureux de revenir », remarque-t-elle.

Toujours trouver des moyens de faire revenir les élèves et d’en attirer des nouveaux est un des défis majeurs de Sandrine Promeyrat, qui, côté Lycée, finalise sa dernière invention : un document numérique reprenant l’idée de Netflix qu’elle intitule « Bookflix », présentant les nouveautés du mois. « Il faut innover, attirer leur attention, leur donner envie d’aller regarder ce qu’on leur propose de diffèrent », explique-t-elle. Toutes les semaines, elle étale devant son bureau des nouveautés, en plus de les signaler sur e-sidoc, le fond informatisé des CCC. Quelques élèves s’aventurent à aller piocher dans le tas même si « ce sont incontestablement les bandes dessinées et les mangas qui ont le plus la côte, s’amuse la professeure documentaliste. Nous venons d’ailleurs de permettre l’emprunt au collège pour une durée d’une semaine alors que jusque-là, ils n’étaient consultables que sur place ». Une petite révolution coté collège : « Les élèves faisaient la queue pour emprunter, le premier jour, s’émerveille Michèle Kupelian qui n’avait jamais vu un pareil engouement en huit ans. J’étais plutôt réticente au départ car je craignais que les enfants ne viennent plus lire sur place et que ces ouvrages, plus fragiles, s’abiment une fois dans le cartable et à la maison mais pour l’instant, c’est plutôt un succès ! ».

 

S’approprier la langue arabe de la lecture à l’écriture

La Mlf promeut « deux cultures, trois langues ». Les élèves ont donc accès à un un fonds trilingue conséquent avec de nombreux livres en français, en arabe et en anglais. Clarisse Chebli, en charge du fonds arabophone du collège et lycée du GLFL, propose des romans de fiction, des livres documentaires, des bandes dessinées et le journal hebdomadaire libanais pour jeunes Kol Youm. Les élèves apprécient surtout les textes courts et amusants : « Les textes classiques sont imposés par le programme, ils en ont à étudier. Ici, ils viennent emprunter des choses plus légères qui les informent sur le monde et leur quotidien », note la professeure documentaliste. Elle s’applique à choisir des livres répondant à la particularité du double cursus avec des élèves qui évoluent dans le programme libanais et d’autres ‘dispensés’ qui étudient l’arabe dans le cadre du programme français et qu’elle ne veut pas négliger :

« Pour les premiers, le défi est de casser les préjugés sur l’arabe qui consistent à penser que c’est une langue difficile. Nous devons leur montrer que c’est à portée de main et qu’elle peut être ludique en proposant de découvrir des lectures-plaisir. Pour les deuxièmes, le défi est de proposer des ouvrages simples et faciles sans qu’ils soient pour autant enfantins ».

En collaboration avec les professeurs d’Arabe, d’Histoire-géographie au collège et de la section ‘Option internationale du baccalauréat’ au lycée, l’équipe met en place des activités passant par la lecture et la recherche documentaire pour faire aussi écrire les élèves : « L’année dernière, nous avons publié un guide des villages libanais suite à un atelier d’écriture des élèves au CCC Collège. Ceux du programme libanais ont fait un travail sous forme de textes et récits et les élèves en arabe LV sous forme de bandes dessinées », précise Clarisse Chebli.

Des projets motivants au cœur de la mission pédagogique

« J’ai trouvé Cerbère ! », « Et moi, le Cyclope », s’exclament des élèves de 6e alors qu’ils font la course aux monstres dans les rangées du CCC Collège, fiches et stylos en main. Parce que leur mission principale est l’éducation aux médias et à l’information, les CCC  sont également les lieux d’activités pédagogiques autour du livre et de la recherche documentaire. Ainsi, Michèle Kupelian propose une activité autour des monstres de la mythologie qui rejoint une séquence portant sur ce thème en cours de Français. « Je demande aux élèves de rechercher dans des ouvrages sélectionnés les noms de monstres selon des devinettes regroupant leurs caractéristiques. Ils s’approprient ainsi les différentes espaces du CCC et se familiarisent avec les cotes des livres et les outils de recherches », explique la professeure documentaliste. Quelques couloirs plus loin, Sandrine Promeyrat encadre aussi les recherches des projets de TPE et des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) et sur la question de l’orientation dans le cadre du « parcours avenir » avec les lycéens. Parfois, ces projets dépassent même le cadre du CCC comme c’est le cas du projet du réseau AEFE « Questions pour Jeunes champions » organisé par Jessy Irani de l’équipe de professeurs documentalistes.

Les CCC sont enfin des lieux de rencontres entre élèves et intervenants extérieurs. « Entre le Salon du livre francophone, la Semaine de la langue arabe, la Semaine de la presse, le Printemps des poètes, plusieurs événements permettent, dit Sandrine Promeyrat, de recevoir des auteurs qui partagent leurs écrits et leurs expériences avec nos élèves de différents niveaux ». Cela a été le cas il y a quelques mois lors de la venue de David Groison qui a pu partager son expérience de journaliste et de passionné de photographies historiques avec les élèves de 5e, de Seconde ou encore de l’option Cinéma et Audiovisuel. « Nos élèves avaient préparé en amont des photos sur ‘leur Beyrouth’ et ont pu lui présenter et lui offrir, ce qui est toujours très gratifiant pour eux et fait parfois naitre de nouvelles passions », explique une professeure associée au projet. La web radio du GLFL, encadrée par Claudia Bou Farhat de l’équipe du CCC Lycée, ne rate aucun de ces événements attendus par les élèves et leurs enseignants afin d’en diffuser quelques extraits choisis sur leurs ondes.

 

Le bouillonnement d’idées des clubs lecture

Les lundis en H8, les 6e qui ont une heure libre sont nombreux à faire la queue à l’entrée du CCC Collège, ce qui a donné l’idée à Michèle Kupelian de proposer un club lecture aux intéressés. Alors qu’une

trentaine d’élèves s’assoient silencieusement dans les canapés ou profitent des équipements informatiques, une douzaine de passionnés de lecture s’installent aux tables pour une « lecture sur fond sonore », la lecture à voix haute d’un album sur de la musique classique (Voir vidéo en lien). Le lendemain, mardi – jour du « mardi midi on lit, sans ordi » au CCC collège – c’est le club lecture des 5e-4e consacré en grande partie au « Prix des Incorruptibles » auquel participe le Grand Lycée : les élèves ont cinq ouvrages à lire afin de voter pour leur préféré. « J’ai lu chacun des cinq livres en deux soirs », annonce Capucine, élève de 5e, avant d’en débattre avec ses camarades. Sandrine Promeyrat, ce jour-là, les encourage à développer un argumentaire. Certains de ses élèves partagent leurs découvertes avec leurs amis et leurs parents ; pour d’autres, ce club est l’unique occasion de parler de leur passion. C’est le cas de Clara en 4e : « Mes amis n’aiment pas trop lire donc ce club, c’est vraiment l’occasion pour moi de partager autour de nouvelles lectures. J’aime beaucoup ça, je trouve cela enrichissant. Je recherche des choses différentes de ce que je fais en français où on lit des ‘vieux bouquins’ pour commencer des leçons. Je cherche ici à me reconnaître dans un livre et découvrir de nouveaux univers ».

Côté Lycée, des élèves de la 3e à la Terminale échangent également autour de six ouvrages récents dans le cadre du « Prix littéraire des lycéens du Liban », un projet qui a vu le jour au GLFL il y a quinze ans et qui regroupe aujourd’hui des élèves de douze établissements. Ils se retrouveront, prochainement, au mois de mai, pour élire le roman qu’ils ont préféré.

15h30. Alors que l’équipe des six professeurs documentalistes fait le point sur les nouveaux projets pédagogiques à présenter au printemps avant de fermer les portes du CCC Collège, quelques élèves peu pressés, s’intéressent à une suite de contes illustrés réalisés par leurs petits frères ou sœurs, affichés aux quatre coins de la salle, depuis le retour des vacances.