Quelques minutes avec Charif Majdalani

A l’occasion de la sortie son nouveau roman et de sa nomination à la première sélection du prix Goncourt 2025, nous avons eu la chance de pouvoir poser quelques questions à M. Majdalani. Nous ne le présentons plus : grand auteur libanais, journaliste, professeur, maître de conférences… autant de vocations réunies par un même fil conducteur : sa passion des mots et son amour du Liban. Ce que, peut-être, nos lecteurs ne savent pas c’est que Charid Majdalani est aussi un ancien Lycéen !
L’Olivier : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vos années « Lycée » ?
Charif Majdalani : J’appartiens à la promotion 1979, après avoir fait la totalité de ma scolarité au Lycée. Il est donc inutile de dire que c’est là que j’ai vécu la plus grande part de mon enfance et de mon adolescence. C’est là que s’est constitué le fondement de ma culture et que se sont noués les principaux espaces de mon imaginaire. Le Lycée est aussi le creuset de mes souvenirs, les années difficiles où j’ai dû trimer et les années de réussite presque sans effort, les amitiés changeantes, les prouesses de potaches que l’on croit exceptionnelles et les premiers émois amoureux. Au milieu de toutes les émotions fondatrices d’une vie, il y a un nombre infini de souvenirs, les professeurs et la variété de leurs caractères et de leurs manies (les maniaques, les durs, ceux qu’on aimait et qui sont restés des modèles et ceux que l’on harassait sans pitié), les surveillants abrupts, les jeux dans la cour variant selon les saisons (jeux de billes transformant l’école en une sorte de vaste bourse aux échanges, jeux de raquettes, de ballons ou de « sept pierres »). Tout cela s’est passé dans un décor qui est devenu mon « paysage originel », qui a forgé une sorte de « sentiment géographique » intime inscrit depuis dans mes gênes : la répartition des cours de récréation, les diverses et variables déclivités menant de l’une à l’autre, l’orientation des bâtiments (bâtiments un peu différents aujourd’hui sans que l’essence du lieu n’ait changé fondamentalement), l’horizon bordant l’établissement lui-même et notamment bien sûr l’immeuble Corm. A ce paysage originel se lient également des éléments d’une sensualité première : l’odeur des eucalyptus de la cour (qui étaient naguère plus nombreux) ou le toucher des vieux bois des rampes des escaliers, toujours les mêmes jusqu’à aujourd’hui, à mon grand ravissement.
L’O : Vous faites partie aujourd’hui de la première sélection du Prix Goncourt avec votre dernier ouvrage Le nom des rois. Pouvez-vous nous présenter très brièvement ce livre ? Qu’est-ce qui d’après vous a fait que ce livre (parmi tous les autres) ait été sélectionné cette année?
C.M. : Dans « Le Nom des Rois », je raconte mon adolescence dans les dernières années du Liban des trente glorieuses (avec des scènes importantes qui se passent au Lycée), puis l’expérience du basculement qu’a constituée la guerre civile. De celle-ci, je ne raconte que les premiers mois, qui ont vu le monde que nous connaissions progressivement disparaître. Quant à savoir pourquoi ce livre plutôt qu’un autre de moi a été retenu pour le prix Goncourt, je ne sais pas. Ce que j’ai appris c’est que les membres de l’académie ont unanimement aimé ce roman.
L’O : Aurons-nous la chance de pouvoir vous voir lors du festival de Beyrouth Livres ?
C.M : Oui, bien sûr. Il y aura une rencontre autour du Nom des Rois, ainsi qu’une lecture croisée de textes inédits avec trois autres écrivains autour des rivages de Beyrouth, et enfin une lecture musicale, ou plus justement un dialogue entre mes textes et ceux du chanteur Albin de la Simone.
[retrouvez le programme du festival ici]
L’O : Avez-vous un message particulier à faire passer à nos élèves ?
C. M. : Contribuez, en tant qu’élèves d’un établissement laïque, au combat pour une vraie citoyenneté, c’est-à-dire contre l’esprit communautaire dans notre pays. Ne réfléchissez et n’agissez qu’avec votre raison et non par réflexes identitaires, et en respectant les règles fondamentales de l’éthique, selon lesquels (pour paraphraser Kant et Sartre) chacun de vos actes doit pouvoir être érigé en loi universelle.
L’O : Cette édition de la newsletter du GLFL est dédiée au livre, nous vous posons donc la question que nous posons à tout le monde en ce moment : Quel est le livre qui a changé votre vie ?
C. M. : Quand j’avais douze ans, un roman oublié de deux écrivains tout aussi oubliés : « Histoire d’un conscrit de 1813 », d’Erckmann et Chatrian. Ce livre a déclenché ma passion pour l’histoire et pour la littérature.
A retrouver dans toutes le bonnes librairies !