Paroles d'ancien : Cyrille Najjar

L’Olivier : Bonjour Cyrille. Merci de nous accorder ces quelques instants. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Cyrille Najjar : Je suis diplômé du Lycée Français de Beyrouth, promotion 1997. C’est là qu’est née ma curiosité pour les sciences et le design, dans un environnement à la fois rigoureux, stimulant et bienveillant. Après mes études secondaires, j’ai poursuivi mon parcours à l’ALBA, où j’ai obtenu un premier master, puis au Royal College of Art à Londres, où j’ai décroché un second master en design industriel. J’ai ensuite été maître de conférence à UCL et à l’Université de Cambridge.
Depuis, j’ai eu la chance de bâtir une carrière à la croisée du design, de l’innovation technologique et de la santé environnementale. Je suis le cofondateur de Sensio Air, une entreprise qui développe des capteurs intelligents capables de détecter en temps réel les allergènes et polluants aéroportés. Cette technologie s’appuie sur une combinaison unique d’optique avancée, d’algorithmes propriétaires et d’une vaste base de données de biosignatures. Notre objectif est clair : offrir des recommandations précises et scientifiquement validées pour améliorer la qualité de l’air et la santé respiratoire en intérieur.
Aujourd’hui, je vis en Californie où j’enseigne à l’Université de Berkeley, dans les domaines de l’entrepreneuriat, du développement produit assisté par l’IA et de l’innovation durable. Je suis également mentor au sein du programme StartX Stanford, où j’accompagne des entrepreneurs dans la création de solutions à fort impact, à l’échelle mondiale.
Enfin, je m’efforce de créer des passerelles entre les écosystèmes européens, américains et asiatiques, que ce soit dans le domaine de la technologie, de l’investissement ou du design stratégique.
L’O. : L’intelligence artificielle : à redouter ou à amadouer ?
Cyrille Najjar : L’intelligence artificielle est avant tout un outil. Un outil, au même titre qu’un vélo ou qu’un ordinateur. C’est une extension de nos capacités, comme l’ont été en leur temps les moteurs de recherche, les téléphones ou les logiciels de bureautique. Ce que nous vivons aujourd’hui avec les modèles de langage multimodaux, représente une véritable évolution dans notre manière d’interagir avec l’information et les systèmes numériques. Là où il fallait auparavant jongler entre différents logiciels pour rédiger un texte, traiter une image ou structurer des idées, l’IA permet désormais de tout centraliser dans un seul espace conversationnel, intelligent et contextuel. Cela change profondément nos usages.
Dans quelques années, il nous paraîtra probablement absurde de faire une recherche sur Google et de devoir parcourir des milliers de liens. Cette fragmentation sera remplacée par des modèles vectoriels de langage capables de comprendre notre intention, de synthétiser l’information, de l’analyser et de produire des réponses pertinentes, avec un degré de précision et de nuance jamais atteint.
L’enjeu n’est pas de craindre ces outils, mais de les comprendre, de les apprivoiser, et surtout, de ne jamais oublier que l’humain reste au centre : c’est lui qui pose les questions, qui interprète, qui choisit.
L’O. : En tant que parrain de la promotion sortante, quels mots aimeriez-vous adresser aux plus jeunes lycéens ?
N’ayez pas peur de vous salir les mains. Vous apprendrez bien plus en expérimentant sur le terrain qu’en restant derrière un écran. Rencontrez des gens, construisez des choses, partez marcher en forêt, prenez des vacances, amusez-vous, jouez. Ce sont des expériences que ni les robots ni les intelligences artificielles ne pourront jamais vivre. Les machines fonctionnent par logique, par objectif. Vous, vous êtes guidés par la curiosité, l’intuition, le doute, la découverte. Et cette différence est fondamentale.
Alors profitez-en, nourrissez-la, et poussez-en les limites sans retenue.
L’O. : Qu’est-ce que vous avez acquis au GLFL et qui vous sert le plus aujourd’hui ?
Un profond sentiment de liberté, de responsabilité et de confiance en moi.
Une curiosité vive, et la conviction intime que tout est possible dès lors qu’on s’y engage pleinement.
L’O. : Y a-t-il une anecdote que vous avez envie de partager ?
Quand je voulais sécher un cours, il me suffisait de marcher calmement vers la sortie du lycée. Je saluais le gardien, qui me rendait mon salut avec sérieux, ouvrait la porte… et je sortais. J’avais cette assurance des adultes, celle des professeurs, et cela me permettait d’aller et venir à ma guise, sans être jamais interrogé.
Le plus amusant, c’est que le gardien était convaincu que je faisais partie du personnel… pas que j’étais élève !